GHOST !

 

Aby Warburg, en étudiant le changement des modes de représentations, a élaboré une histoire des arts basée sur la correspondance et la mise en relation des formes. À la fin du 19 ème siècle, ses travaux l’ont conduit jusqu’au Nouveau Mexique.Le projet Voyage vers les Survivances est une recherche conduite sur le mode archéologique
du passage de Warburg au Nouveau Mexique en 1895. Warburg pensait que les œuvres d’art et les objets de provenances et d’époques différentes laissaient supposer
entre eux une histoire. Surnommé la survivance, ce concept est par définition ce qui subsiste d’un état ancien, d’une chose disparue. La notion de survivance chez Warburg se manifeste par l’existence d’un espace où les différentes temporalité peuvent circuler ensemble. L’archéologie, alors, est la science de la survivance. Parce que comme l’a dit Michel Foucault dans l’Archéologie du Savoir : “elle raconte l’histoire des à côté et des marges”, “elle est la discipline des commencements et des fins”. L’archéologie se situe dans l’intervalle cher à Warburg. Cet intervalle ou entre deux,
est ce qui relie deux époques différentes, deux espaces, deux croyances entre elles. Cette configuration d’espace créée par des choses hétérogènes et parfois ennemies s’agitant ensemble, est l’endroit où l’on peut surprendre cette survivance.
Le projet Voyage vers les survivances à pour but de montrer les signes du passage d’Aby Warburg au Nouveau Mexique ainsi que les traces de son absence dans un même mouvement. L’enregistrement du temps dans le projet vidéo Voyage vers les survivances cherche “à maintenir une analyse bipolaire de l’ancien et du nouveau” comme l’a dit Foucault à propos de l’archéologie. Warburg dans Le rituel du serpent parle de son voyage comme “l’histoire de la civilisation à rebours”. Voyage vers les Survivances invoque des temps différents : celui où Aby warburg a visité les villages hopis, ce-
lui où les films ont été tournés (2010), mais aussi la temporalité étrange que Warburg lui même à créée en allant visiter ces peuple anciens aux rites magiques. Partagé entre raison et délire à l’heure des grandes révolutions industrielles, il se pensait l’intermédiaire entre les choses donc l’intervalle alors qu’il est aussi acteur de survivance. Les vidéos de Voyage vers les survivances invoquent la présence, cherchent les traces d’Aby Warburg dans ces villages où le temps s’est arrêté depuis dix siècles.

A.G

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Auguste Blanqui (1805-1881): «L’univers se répète sans fin et piaffe sur place. L’éternité joue imperturbablement dans l’infini les mêmes représentations ».

Je m’inspire d’objets archéologiques concrets ainsi que de sites de chantiers de fouilles, de mythes archéologiques, d’interprétations subjectives d’archéologues, de faussaires d’antiquités… Toutes les pièces que je réalise font partie d’un laboratoire de recherche sur l’art et l’archéologie appelé OG AB AS. J’ai la conviction que l’art, l’anthropologie et l’archéologie s’éclairent réciproquement. M’inspirer de la philosophie de l’archéologie me permet de m’interroger sur la circulation des formes dans l’histoire de la représentation. Ce sont les formes du passé, qui réactualisées, rendent possible le passage de la forme dans le temps. Chez Nietzsche c’est dans la notion de l’éternel retour que le monde persiste, que le temps est cyclique et où la ressemblance de phénomènes se reproduit à l’infini. La Ressemblance formelle participe du phénomène d’éternisation et permet la survivance de la forme. Aby Warburg chercha à déplacer dans le temps et dans l’espace des figures ayant des similarités formelles. Cette méthode de travail lui permit de tout prendre en compte dans un même mouvement sans hiérarchiser les formes.
Mes prochaines pièces exprimeront plastiquement le processus de répétition dont parle Louis Auguste Blanqui qui, après avoir admis que le temps et les événements se répètent, affirme que «l’heure de nos apparitions est fixée à jamais et nous ramène toujours les mêmes». L.A. Blanqui explique le retour des choses comme un probable problème mathématique. «Pour créer, la nature n’a que cent corps simples à sa disposition. Une fois toutes les combinaisons épuisées «quand il ne reste rien au fond du sac, elle ouvre la boîte aux répétitions (…)». il s’agira de créer une série d’objets et de dessins qui copieront l’objet, la nature. J’utiliserai le moule (en silicone et l’exposerai comme objet vecteur de création, l’alginate me servira pour les objets plein, tirage en plâtre) et l’empreinte afin de participer à l’idée que le recours aux répétitions est indispensable. Le modèle ici l’évolution d’une forme dans le temps questionnera également la pratique de l’art d’aujourd’hui. Quels sont les modèles de l’art contemporain? car si tout objet a un prototype, un modèle, si du tigre aux cités babyloniennes tout est inscrit dans les constellations céleste, ce moule que Platon appelait la Mimesis exprimant les différentes formes poétiques de la représentation sont infinies et nécessaires. Cette répétition cyclique m’amène à penser l’image, le rite, et le geste archaïque comme point de comparaison tangible avec ce qui survit aujourd’hui. En effet la notion de copie, comme participant du phénomène de répétition introduit la pratique de l’artiste faussaire comme capteur et acteur du retour des modes. L’art se nourrit-il du recommencement et pourquoi ? C’est en m’appuyant sur les relations sensibles entre les différentes trajectoires que prend la forme, les réseaux qu’elle crée, les points d’articulations entre les époques, les éventuelles ruptures, que mon travail questionne la reprise de la forme.
Recycler, s’approprier, reconstituer sont les moyens que j’utilise pour travailler. La reconstitution est généralement utilisée à des fins d’études scientifiques, historiques, anthropologiques, archéologiques. Je pense que cette méthode a pour conséquence de permettre la résurrection d’une pratique, d’un objet, d’invoquer un temps passé. Utiliser les formes du passé comme outils permet de s’interroger sur l’idée même de transmission, d’héritage. Redonner à une image son volume c’est se poser la question de l’original, faire revivre un geste fossile c’est rendre compte du réel de cet événement. Quand Penone avec Être fleuve sculpte à l’identique une pierre roulée dans les eaux depuis des milliers d’années, il interroge le temps, et le lien tangible qu’il existe entre la nature et l’art. Si le mythe de l’éternel retour me permets de croire à l’idée d’avancée esthétique, comment le progrès, synonyme de changement, cohabite-t-il avec la création cyclique que je cherche à créer , évoluant dans une continuité répétée ? En résumé je cherche à montrer par mon travail plastique que ce qui, à chaque époque, semble le plus moderne, est précisément ce qui est le plus archaïque. Quelle forme “descend” de quelle autre ? Quel modèle pour quel objet ? L’ hypothèse de la filiation servira à mettre en doute l’idée que l’artiste est maître de sa création (Otto Pächt) au profit de la pensée de Nelson Goodman selon laquelle « pour construire le monde comme nous savons le faire, on démarre toujours avec des mondes déjà à disposition ; faire, c’est refaire »

A.G

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Festival de l’inattention Glassbox, 2016
commissariat : Sophie Lapalu
Pendant 3 jours je suis allée à la rencontre des gens entre le métro Couronne, le métro Parmentier et le métro Père Lachaise, et j’ai essayer de les faire parler de leurs fantômes. Je me suis imaginé relevé l’imaginaire de ce périmètre en soulevant la question des fantômes liés aux territoire.
C’est en lisant Vinciane Despret qui dit : Les morts font de ceux qui restent des fabricateurs de récits, tout se met a bouger, signe que quelque chose là, insuffle la vie… que je me suis mise en route.
Juste à côté de Glassbox, se trouve un discaire au 12 rue moret. Je suis entrée dans le magasin et j’ai demandé au vendeur si il avait une histoire de fantôme. Il me répondit que non. Je regarde ses discs et lui dit que si on peut entendre chanter un mort alors peut être on peut parler de fantôme non? il me répondit que oui peut être. Il finit par me passer
des disques qui selon lui permettent ou ne permettent pas – dépendant de la structure de la musique – de faire circuler les fantômes. « La pop, dit-il, et j’en suis bien triste, ne favorise pas l’apparition des fantômes.”
je file et me dirige vers un magasin vintage qui vend des très vieux habits pour le cinéma. Je vois la vendeuse, très bien habillé (vintage) et me demande comment engager la discussion avec elle. je fais le tour du magasin et m’arrête devant deux combinaisons en jean. Je lui demande si elle connais la provenance de ces habits, elle me répond qu’ils sont espagnol et qu’elle se souvient bien du jour où elle les a reçu à la boutique.
Je lui répond, que je ressens que ces bleus de travail on été porté par des femmes. Elle lève le nez vers moi et me dit qu’elle est espagnole et que sa mère avait un long passé de feministe espagnol. Nous parlons du fantôme du féminisme pendant au moins 1 heure minutes. Elle revient ensuite sur l’impression que j’ai eu.
Elle me questionne à son tour, je lui répond que j’ai déjà eu des impressions et que souvent elles ne servent pas à grand chose. Là elle me raconte qu’un jour elle avait acheté des chaussures très anciennes et que celle-ci elle se les été gardées. Quand elle chaussé ces souliers, elle ressentait le soulagement de celle qui avant elle les avait porté, elle les portaient alors très souvent pour le plaisir du fantôme des chaussures… Je suis ensuite allé dans un bar kabyle prendre un café, je me suis mise au bar, il est très facile de parler avec les gens quand on est au comptoir.
Je demande au barman si cet endroit a toujours été un bar, il me répond qu’avant ç’était une pharmacie. Un monsieur à côté écoute, distrait, je lui demande si il croit aux fantômes? là il me regarde et me dit : on ne croit pas aux fantômes on les voit ou on ne les voit pas ! Nous parlons alors de la croyance et du mal que cela a causé et causent encore dans nos sociétés, il finit par me parler d’un de ces ami qui faisait du spiritisme dans le quartier. Nous arrivons enfin à ce que contient le quartier comme histoires. Il me dit que non c’était la femme de son ami et quelle n’a jamais voulu ni lui raconter ni y retourner. Il m’explique qu’il ne faut pas trop aller chercher les morts ils viennent bien suffisamment nous hanter.
Il finit par dire que ni eux ni nous n’avons la connaissance suffisante pour comprendre ce foutu bordel et que vivre ensemble est certainement ce que nous avons de mieux à faire
sans trop se poser de questions.
Je continue ma route en refaisant dans ma tête le chemin de mes rencontres.Nous avons parlé jusqu’à maintenant de comment réer les conditions pour faire apparaître les fantômes, nous avons évoquer le fantôme du féminisme espagnole d’après guerre, à partir d’un bleu de travail et de la croyance et ses fantômes en général.
Je pense distraitement à la figure des sorcières. je cherche alors une herboristerie dans le quartier. Au 88 rue oberkampf, j’entre dans une herboristerie. Je demande à la vendeuse si elle n’a pas des plantes qui me permettrait de chasser les fantômes qui sont dans mon appartement. Elle me regarde et me dit que oui, il faut prendre cette sauge là particulèrement pour une purification totale. Je lui pose sans attendre la question suivante : est-ce qu’il y a beaucoup de monde qui vous pose cette question?
Elle de me répondre, un nombre incalculable. J’en ai des frissons. Nous parlons de la qualité de fantôme qu’il y en ville par rapport à ceux de la campagne. Elle me dit qu’ils doivent être plus récent ici, plus nombreux et doivent se fatiguer plus vite qu’a la campagne. Elle me dit que comme les habitants des villes ne sont pas forcement propriétaires, on n’a moins de chance d’être poursuivis par nos vieux fantômes et que de manière générale, nous ne nous occupons pas de ceux des autres. C’est intéressant en effet l’idée du lieu de vie. Moi qui ait une très veille maison de campagne, je n’ai alors pas le même rapport aux fantômes que celui ou celle qui ne cesse de déménager.
Nous finissons par parler des sorcières qui doivent être heureuse là ou elles sont de voir que de plus en plus on réapprend à nous servir des plantes. Notre rapport à la nature a changé, il faut s’en féliciter.
Le lendemain je suis allée avec une amie au Père lachaise sur la tombe d’Allan Kardec
Sur le frontispice de sa tombe est gravé le postulat de la doctrine : « Naître, mourir, renaître encore et progresser sans cesse, telle est la Loi ». Je lis que des médiums et des adeptes viennent régulièrement chercher l’inspiration sur le buste d’Allan Kardec qui a le pouvoir d’exaucer les voeux. Il faut le toucher trois fois et faire un voeux, si le voeux se réalise alors il faut apporter des fleurs au monument.Nous voyons 2 femmes qui font le rituel du voeux et une amener un pot de bégognats. Nous attendons que tout le monde partent pour qu’a notre tour nous fassions notre voeux.
En descendant vers la rue du chemin vert, je m’arrête à la Musardine. En entrant je me demande comment m’adresser au vendeur… Je lui dit cash : si je vous dit sexe et fantôme, ça vous dit quelque chose? Il me regarde et me dit que ça dépend de ce qu’on entend par fantômes car par exemple dans les mangas japonais les fantômes ne ressemblent pas aux humains et attirent les femmes alors quand dans une certaine BD européenne, les fantômes sont des femmes qui sortent des tombes et violent les hommes. Il me montre ces ouvrages. Il me sort également un gros livre de Pierre Molinier où on le voit habillé en homme et en sorte de surimpression habillé aussi en femme. Il me demande si quand il y’a ce moment du passage d’un état à un autre on peut parler d’apparition de fantôme? Je suis tout à fait d’accord avec lui, c’est dans cet interstice que peut apparaître les fantômes.
Je crois que le sujet du fantôme est un prétexte pour parler de ce qui se transforme, de ce qui mute. De ce moment d’inattention ou quelque chose peut émerger, naître. La métamorphose est naturelle, la question que nous pouvons nous poser maintenant est est-ce que nous perdons obligatoirement quelque chose pour autant comme le papillon abandonne sa crisalyde? L’énergie dépensé dans cette étape est elle visible?

A.G